2.2. Formulation Faible#
2.2.1. Domaine Physique#
Dans ce cours, nous considérons un ouvert polygonal \(\Omega\) de \(\Rb^2\). Nous restons en dimension 2 pour plus de facilité mais l’extension à la dimension 3 est relativement directe et tous les résultats énoncés sont aussi valable en dimension 3. Sur chaque segment du bord \(\Gamma := \partial\Omega\) du domaine, on définit le vecteur unitaire normale \(\nn\) sortant à \(\Omega\). Nous noterons que ce vecteur n’existe pas aux intersections entre les segments. Le domaine \(\Omega\) est supposé ne pas comporter de fissure ni de point de rebroussement. Son bord est divisé en deux parties distinctes: \(\GammaD\) et \(\GammaN\), potentiellement non connexe mais d’intersection vide: \(\Gamma = \overline{\GammaD}\cup\overline{\GammaN}\) et \(\GammaD\cap\GammaN=\emptyset\). Selon la partie du bord, une condition sera imposée à la solution :
Sur \(\GammaD\) : condition de Dirichlet, c’est à dire que la valeur de la solution y est imposée (eg \(u = 0\)). En mécanique on dirait que le déplacement est imposée.
Sur \(\GammaN\) : condition de Neumann, c’est à dire que le flux de la solution y est imposée (eg \(\dn u = 0\)). En mécanique, on dirait que la force normale est imposée.
En général, on préfère travailler avec des ouverts réguliers, de classe au moins \(\Ccal^1\). Un tel ouvert présente l’avantage de pouvoir clairement définir le vecteur unitaire normale \(\nn\) sortante à \(\Omega\). Cependant, après maillage, on se retrouve avec… un polygone ! Alors plutôt que de travailler dans un domaine régulier pour après le casser en (petits) morceaux, nous préférons ici commencer directement avec un polygone et mettre l’accent sur les algorithmes et la mise en oeuvre de la méthode que les spécificités mathématiques.
Un point \(\xx \in \Rb^2\) est parfois noté \(\xx = (x,y)\) ou \(\xx = (x_1,x_2)\) selon les besoins. Nous commencerons les indiçages par 1 bien qu’en informatique cela commence souvent par 0.
2.2.2. EDP (problème fort)#
Ce cours se concentre sur les équations aux dérivées partielles (EDP) elliptiques du second ordre, qui font appel à l’opérateur de Laplace [1] (ou Laplacien) :
Nous considérons le problème générique suivant, appelé aussi problème de réaction-diffusion :
où nous avons défini :
le terme \(\dn u\) désigne la dérivée normale de \(u\) sur le bord, c’est à dire la dérivée de \(u\) dans la direction \(\nn\) : \(\dn u = (\nabla u)\cdot\nn\), avec \(\nabla u = [\partial_{x_1}u, \partial_{x_2}u]^T\) son vecteur gradient. Vous aurez sans doute remarqué que, entre deux arêtes, le vecteur normal \(\nn\) n’est pas défini et donc la dérivée normale non plus. Ce « problème » n’en est pas vraiment un et pour l’instant mettez cela de côté, nous y reviendrons !
\((-\Delta u)\) : Terme de diffusion (notez le signe négatif)
\(\dn u=0\) : Condition de Neumann homogène
\(f\) : une fonction donnée définie sur \(\Omega\). Elle joue le rôle de terme source, c’est à dire d’apport (positif ou négatif), par exemple de chaleur ou de force surfacique.
Pour le moment, nous ne nous intéressons pas à la régularité de la solution ni même à l’existence et l’unicité de celle-ci : nous supposons que le problème (2.1) est bien posé. Une fois la méthode des éléments finis apréhendée, nous nous intéresserons à ces questions. Cela va à l’encontre de l’habitude en mathématiques où l’on démontre le caractère bien posé avant de s’y attaquer. Faites moi confiance et tout s’éclairera !
Pour l’instant, nous imposons une condition aux bords que nous imposons, de type Neumann homogène. Plus tard nous verrons d’autres types de conditions : Dirichlet, où la valeur de solution est imposée, et Fourier, un mélange entre Dirichlet et Neumann.
2.2.3. Théorème de Green#
Pour une géométrie arbitraire, nous ne savons pas, en général, obtenir la solution forte (ou classique) du problème (2.1). La méthode des éléments finis se base sur l’approximation numérique de la solution au sens faible du problème (2.1). Nous verrons qu’une solution faible est, en fait et en général, forte. Commençons par réécrire le problème d’origine sous sa formulation faible ou formulation variationnelle.
Un théorème central dans l’analyse des EDP et qui permet d’obtenir ces formulations faibles est celui de Green [2]
Ce résultat est également valable en dimension 3 pour des domaines polygonaux (ouf). Le produit \(\nabla u \cdot\nabla v\) est le produit scalaire euclidien standard. La quantité \(v\) est ici laissé non définie, c’est normal : supposez que c’est une fonction de même régularité que \(u\). Pour compacter les équations, nous n’indiquerons plus les quantités d’intégrations :
Ce résultat est en quelque sorte une extension multi-dimensionnel de l’intégration par partie sur un segment \(\Omega = [a,b]\). En effet, en dimension 1, l’opérateur \(\Delta\) devient la dérivée seconde. La normale sortante au segment devient un scalaire valant -1 « à gauche » (en \(a\)) et 1 « à droite » (en \(b\)) et la dérivée normale devient \(\dn u = \pm u'\) :
2.2.4. Formulation faible#
Le point de départ de notre analyse est la réécriture sous forme faible du problème (2.1). Pour cela, la méthode consiste à :
Multiplier l’EDP par une fonction test \(v\)
Intéger le tout sur \(\Omega\)
Appliquer le Théorème de Green
Appliquer les conditions aux bords
Nous obtenons alors :
Ainsi, et toujours sans regarder la régularité de \(u\) (ni de \(v\)), nous avons que : si \(u\) est solution de l’EDP (2.1) alors \(u\) est aussi solution de la formulation faible :
À gauche du signe égal se trouve l’inconnue (\(u\)) et à droite la donnée (\(f\)), c’est une convention et plus tard cette équation s’écrira sous la forme d’un système linéaire \(AU = B\) où le vecteur \(B\) correspondra au membre de droite de (2.2) et la matrice \(A\) à la partie de gauche.
Attention, sur le bord \(\Gamma\), \(\dn u= 0\) n’implique pas \(u = 0\) !
Nous pouvons maintenant définir plus proprement la quantité \(v\). Appelée fonction test elle n’a d’autre rôle que de « tester » la solution. L’idée de la formulation faible est de chercher une solution qui vérifie l’EDP, non pas point à point (au sens fort, donc) mais « en moyenne », via l’intégrale. En mécanique, \(v\) est appelé « travaux virtuels » (avec la méthode éponyme qui est, en fait, la formulation faible) : cette quantité est arbitraire et n’est utile que pour écrire le problème faible (2.2).
Même si nous n'avons pas encore parcouru toutes les conditions aux limites possibles, l'application ci-dessous (hautement inspiré des apps développées par Mina Pêcheux), permet de comprendre l’influence des conditions aux limites et des autres paramètres sur la "forme" de la formulation faible :